Chapitre 7 : Rencontre et confusion de l’esprit
19h05, je sortais de ce train qui me ramenait à Tarbes, après une semaine, que je qualifierais de reposante, dans la Nièvre.
Reposante, c’était bien là, le mot qui pouvait caractériser au mieux ces sept jours. En effet, à peine avais-je posé le pied sur le quai de la gare de Nevers et que je vis Sovan et Michel, que la Voix s’était tue. Cela m’avait d’ailleurs ébranlé au plus profond de mon être, ce calme, ce silence, que je n’avais plus connu depuis quelque temps… Quand je dis "silence", c'est surtout celui causé par l’absence de ce timbre qui me marque, car mes pensées emplissaient de nouveau mon esprit, retrouvant le doux cocon de ma solitude intérieure.
*
Retrouver les frères Mendez me fit plaisir, je ne sais par quel moyen ils s’étaient débrouillés, mais c’était eux et, non, mes parents, qui étaient venus me récupérer. Etais-je un simple colis qu’il fallait récupérer à la gare pour eux, une entité négligeable… ? Non, je me posais trop de questions ; ce calme en moi m’était préjudiciable… Quoi qu’il en soit, dès que je fus monté dans cette voiture d’un rouge toujours aussi rutilant, la première question qui me vint aux oreilles fut « Des signes de Torvin ? », j’eus envie de leur lancer à la tête comme à la face du monde, qu’il n’y avait pas que Torvin dans la vie… Mais je me suis tu, car je comprenais ce que ressentait Sovan. Par le rétroviseur, il me fixait, je fis une moue qui se voulut un "désolé" non prononcé. L’espace d’un instant, je vis passer dans ses yeux, qu’il aurait souhaité entendre autre chose, ce qui était plus que normal.
Cependant pour ne pas ajouter de tourment à son malheur, je décidais qu’il valait mieux, pour eux (peut-être aussi pour moi) de ne pas aborder le sujet de cette Voix. Puis, comprenant sans doute que je souhaitais parler d’autre chose, ils partirent sur divers sujets, jusqu’à ce que la voiture s’arrête devant chez mes parents. « Viens quand tu veux à l’appart. » me lancèrent-ils, alors que je descendais du véhicule. Il était 17h30 et je me sentais déjà fatigué, moi qui étais devenu un presqu’insomniaque, il y a quelques semaines.
Mon chien, mon fidèle ami, depuis que je l’avais, se mit à japper comme un fou en me voyant, j’apprendrai quelques minutes plus tard, qu’il avait perdu sa joie de vivre durant mon absence…
Mes parents ouvrirent la porte, tout sourire, visiblement contents de me revoir entier… en auraient-ils doutés, que je puisse survivre seul à des centaines de kilomètres de la maison ? L’on se salua, tandis que la voiture rouge s’éloignait et, nous nous mîmes à discuter…
Solitude intérieure qui, j’aurai aimé, se passe aussi autour de moi, mais j’avais également ce désir de parler, de tout de rien… Curiosité de l’ambiguïté humaine. Que faire, que dire ? Je racontais le lycée, le BTS et la ville, ma nouvelle ville, dans laquelle je ressentais du bien-être, la liberté… Je fis l’impasse, bien entendu, sur tout ce qui pouvait se révéler surnaturel et qui, de ce fait, était dans le contrat que j’avais signé… Ils me mirent au courant de toutes les nouvelles de la famille… S'ils savaient combien je m’en fichais royalement, je n’étais pas du genre à regarder les autres ; non pas que je ne les aimais pas, quoique, mais comme le dit un proverbe, on choisit ses amis, pas sa famille ; les amis, je les comptais sur les doigts d’une main. Je ne me suis jamais senti assez proche de personnes, pour les faire entrer dans le cercle de l’amitié. Depuis toujours, je me voyais finir ma vie, en tant qu’ermite, j’étais plus solitaire qu’autre chose…
Un psy m’avait dit, qu’il fallait s’ouvrir aux autres, moi, je n’en ressentais pas le besoin, j’avais cette peur… Cette peur irrépressible que si je commençais à m’ouvrir, je ne pourrai en refermer les vannes et me protéger.
*
Je marchais dans la rue, me ramenant à mon appartement de la cité U, le vent était tiède et charriait de bonnes odeurs de fleurs, j’étais au calme, coupé du monde tout en y étant complètement intégré. Au croisement, je pris à droite, et tous mes sens furent éveillés, le soleil commençait à se coucher et dardait le Pic du Midi de rais de lumières, aux couleurs sanguines. Cette vision mêlée au parfum de roses d’automne, fit hérisser mes poils sur tout le corps. J’aime ces sensations que peuvent nous procurer la Nature.
Je me remis en route et cette petite vision me fit me rappeler, par ces couleurs, l’attaque de ce monstre dans la côte de La Machine. Cette même route que j’avais empruntée le lendemain de mon retour dans la Nièvre.
*
En passant, là où mon voisin avait disparu, un frisson glacé sinua le long de mon échine, alors même que les souvenirs se rappelaient à moi de manière obséquieuse. Servile, car les réminiscences étaient erronés, dans ce qui revenait, je n’étais pas terrorisé, je n’avais pas crié… Or j’étais persuadé qu’en de telles conditions, tout être l’aurait fait, je l’aurais fait… mais que m’arrivait-il à la fin… Perdu dans mes pensées et sans m’en rendre compte, j’avais parcouru les deux derniers kilomètres qui m’emmenaient chez les Mendez. Michel avait ouvert la porte, visiblement content de me voir. Je crois que jamais je m’y ferais, la première impression reste généralement ancrée.
Quoi qu’il en fût, Sovan semblait déjà m’attendre, installé dans le sofa, le plus confortable, normal pour un roi… Il me lança un de ses regards lourd de sens ; moi, je n’avais que cette éternelle même réponse, visage incliné vers le bas. J’aurai tellement voulu dire là, à cet instant, « oui père, c’est moi », mais rien, à son grand dam.
— Il faut que je vous parle, car je me sens perdu, avais-je lancé.
Il fallait que ça sorte, tant que je m’en sentais le courage.
— Que se passe-t-il, Dorian, répondit Sovan un brin d’inquiétude dans la voix, alors qu’il se redressait un tant soit peu de son fauteuil.
— Je… Eh bien, je suis perdu…
— Tu te répètes…
— Michel, s’il te plaît.
Cela me surprenait toujours, de les entendre s’appelaient par leur prénom humain, alors que nous étions seuls.
— Oui, je sais, désolé. Tout à l’heure, alors que je passais où j’ai été marqué, les souvenirs ont ressurgi, mais ils étaient faux, comme si quelque chose ou comme si j’essayais de me mentir.
— Que veux-tu dire ?
— J’ai revu la scène, mais je me voyais stoïque comme si, ça va vous paraître absurde…
— Non, continue, je t’en prie.
La compassion enrobait les paroles de Sovan, quel roi, il devait être, exactement l’idée que je m’en faisais, quand des bribes de mémoires de Torvin s’étaient mélangées à moi.
— Stoïque, j’avais l’impression d’attendre que les évènements viennent à moi, vous savez lorsque vous connaissez un film par cœur, vous attendez la scène de référence, que vous connaissez dans les moindre détails… Bref, je ne bougeais pas, je n’étais plus terrorisé, j’étais vide…
— C’est étrange en effet, je ne me rappelle pas avoir jamais connu ça, glissa Michel, sans une ombre de reproche, il était redevenu le Michel gentil, celui que je ne connaissais trop peu.
— Là, ça ne m’aide pas du tout les gars… Père, je ne sais pas ce qui se passe…
— Torvin ? C’est bien toi ?
J’étais de nouveau plonger dans cet état de spectateur, sans que rien ne me permette de me raccrocher à la réalité, je me rappelle juste que le visage de Sovan se dérida quelque peu, alors que sous le choc de réentendre son fils, il s’était machinalement accroché aux accoudoirs.
— Oui, père, c’est moi. Quelque chose est également présent ici dans ce corps, je n’ai aucune idée de ce que cela puisse être (à l’intérieur, je cognais, rageur, je hurlais le nom de ce deuxième esprit, « Kaszénomélos, Kaszénomélos », comment pouvait-il l’ignorer ? Et pourquoi lorsque j’étais maître de mon corps, je ne pouvais dire cela non plus ?). Mais tout ce que je sais c’est que c’est en train de falsifier la mémoire de Dorian, la mienne aussi, impossible de me souvenir de ce qu’il s’est passé juste avant l’ouverture du passage. Rien, j’ai l’impression qu’il ne reste rien.
— Est-ce dangereux ? Penses-tu que tu puisses un jour t’en souvenir ? Interrogea Michel qui reprenait son rôle de second et chef de la sécurité de son roi.
— Je suis désolé, mais cela non plus, je n’en sais rien, tout se brouille, on nous falsifie de l’intérieur, impossible de rejoindre la vérité.
— Mais pendant tout ce temps mon fils, n’as-tu été témoin de rien qui sorte de l’ordinaire ?
— Ça non plus, je ne puis m’en souvenir, je me sens étrangement inutile…
— L’esprit de Dorian, combat-il contre toi, pour ne pas te laisser "sortir" ?
— Absolument pas, lui n’y est pour rien. Il me laisse accès à tous ses souvenirs, sans retenue, mais il y a de plus en plus de zones qui me restent fermées, sans que lui-même puisse y accéder.
— C’est de plus en plus étrange.
— Je me sens idiot maintenant avec ma réflexion, son sentiment de perdition est totalement compréhensible… Se gourmanda Michel.
— Cela ne nous aide pas du tout, mon vieil ami.
— Essayez de savoir ce qui se passe, moi, mes forces sont en train de s’évaporer. Prenez soin de Dorian… A bientôt, … Jj’espère. Père, tu me manques terriblement.
— Toi aussi, mon fils.
Malgré son rang et son éducation, il ne put réprimer une larme.
— Sovan, je suis vraiment désolé, mais je n’ai rien fait pour qu’il s’en aille si vite, je te prie de me croire.
— Je le sais... Dorian. Ce que nous ignorons c’est pourquoi il ne se renforce pas depuis le temps.
— Tout est de ma faute, c’est moi qui t’ai choisi, Dorian, mais je n’ai pas vu que ton esprit "inconscient" était si fort…
— Je dois vous laissez, ma présence ici, ne vous aide pas…
*
J’arrivai chez moi, et à cet instant un doute m’envahit, est-ce que j’avais bien pensé à reprendre mes clés d’appart. ? Ouf, en fouillant à peine, elles étaient à leur place habituelle, petit coup de flippe normal… Dans le pire des cas, je n’étais pas à la rue, le concierge devait certainement avoir un double, ou j’aurais sans doute, en attendant que mes parents m’envoient mes clés, pu me faire héberger quelques jours chez Félipé… Félipé, j’espère qu’il est là ce soir, nos discussions improbables m’avaient manqué. J’irai le voir plus tard, j’avais un sac à défaire et surtout une irrépressible envie de me débarrasser de la crasse accumulée pendant le trajet…
A peine, sorti de la douche et commençant à déballer mes affaires, que l’on venait frapper à ma porte.
— Eh ben, tu ne me préviens même pas de ton retour ?
— Félipé, je viens tout juste d’arriver. Je pensais venir te voir plus tard ou demain…
— Ouais, ouais, c’est ce que tu dis, s’esclaffa-t-il comme un gosse. Laisse tes affaires, gamin, j’t’emmène manger chez Ronald.
Enorme, tout simplement énorme, on se connaissait depuis quelques semaines à peine, et le voilà, qui rapplique dès que j’arrive. Pourquoi n’avais-je jamais rencontré de personnes comme lui avant… Le psy avait tort, je ne m’étais pas plus ouvert à lui qu’à n’importe qui d’autre.
Bon moment partagé autour d’un sandwich, il m’avait raconté ses cours. Eh oui, lui n’était pas en vacances, et plus il m’en parlait, plus je me demandais comment il pouvait supporter ça, trop de maths… tue les maths, des trucs incompréhensibles. J’avais tout de même été intrigué, et lui avais demandé de voir comment cela se présentait. En revenant à la cité U, il me montra quelques-uns de ses cours. Des formules d’une complexité et d’une longueur incroyable s’étalaient sur des pages entières… Mon regard se fixa un instant, et sans raison apparente, je dis « Tu as deux erreurs dans ta formule, là et là ». Il me regarda décontenancé, je lui avais pourtant dit que moi et les maths, ça faisait deux. Tout se brouillait devant moi, les symboles sortaient de la page, se réorganisaient, changeaient de couleur, beaucoup de vert et seulement deux taches rouges, les étranges phénomènes se présentaient de nouveau.
— Mais c’est que tu as raison en plus… L’ami, attends, je croyais que tu n’y entendais en rien avec les maths…
— Ben c’est la vérité, mais parfois, j’ai des sortes de flashs. Ce n’est pas pour autant que je vais en comprendre le sens, c’est comme ça.
— Tu sais que t’es un gars bizarre ?
— Euhm, ouais, on me le dit trop souvent ces derniers temps.
— Ah ? Mais pour les mathématiques, c’est vraiment très étranges. Tu sais c’est pas mal parfois de sortir du lot…
— Oui, en même temps, tout dépend dans quelle catégorie.
— Tu marques un point.
Oui, c’est vraiment bien de sortir du lot, et nous, nous sommes exceptionnels… La Voix venait de ressurgir, brin de panique, pourquoi maintenant ?
Je partis presque précipitamment prétextant une céphalée aiguë. J’avais envie d’appeler les Mendez, mais mon corps m’en empêcha. Je gardais le contrôle de mon esprit, mais celui de mon corps m'était supprimé.
Au bout d’un moment, je redevins maître de moi-même, il m’avait fallu, je mis du temps à le comprendre, renier les pensées mettant "en danger" la Voix, je n’en saisissais pas le sens.
Le lendemain fut le premier contact, c’est ainsi, sous cette appellation, que je me remémorerai cette journée. Elle me concernait indirectement, et il ne s’agissait pas non plus d’un contact physique ou mental. En fait, selon Félipé, le seul moyen de combattre des maux de tête, était d’être en contact avec l’eau, donc de nager… explication plus que moyenne, enfin pas plus que ma pitoyable excuse de la veille… avait-il deviné que je lui avais menti, et dans ce cas, me lançait-il un concours pour trouver les excuses les plus bidons ?
Donc nous nous rendîmes à la piscine. Au bout d’un certain nombre de longueurs, Il entra en scène, s’installant dans son fauteuil de maître-nageur, un apollon aux dires de mon ami, qui sur cette affirmation, me fit comprendre qu’il était gay. Je ne dis rien, jouant ainsi celui qui le savait sans l’avoir formulé.
Il faut dire qu’à peine arrivé, un ballet de midinettes avait les yeux rivé sur lui et semblait, par quelques brasses, suivre son sillage terrestre. Elles essayèrent d’attirer son attention, mais de lui, à part quelques coups d'œil plus professionnels qu’intéressés, rien, il paraissait ne pas les remarquer. Pauvres d’elles, elles ne le voyaient pas. Etant assez proche d’elles, je les entendis pouffer « Oh, il m’a regardée », et comme dans les mauvais sitcoms, elles se "battaient" à coup de « Non, c’était moi », pathétiques…
En même temps, Félipé avait les yeux fixés sur lui, comme une moule à son rocher, je l’appelais, mais il ne réagit point. Je lui lançai une bourrade d’eau qui lui fit, enfin, reprendre conscience. Il me dévisagea l’air de dire « ben quoi, qu’est-ce qui se passe ? ». Que pouvais-je donc bien lui répondre ? Je notais dans ses yeux qu'il avait changé d’humeur, serait-ce de l’amour, un coup de foudre ? Quoi qu’il en fût, il avait un brin d’électricité inénarrable qui passait dans ses pupilles sans discontinuer.
Nous passâmes l’après-midi à la piscine, le coup de folie lui passa, au bout d’un moment, et nous pûmes rigoler un peu, histoire de. Toutefois, je continuai de remarquer des coups d’œil intempestifs dans la direction du maître-nageur, que je faisais mine de ne pas remarquer. Lorsqu’Il quitta son poste, ce fut notre "signal" de départ pour ce lieu… Malheureusement même sans perdre de temps, nous ne l’avons vu partir, au grand dam de Félipé…
Un pd de plus autour de nous, il pourrait nous être facile de le manipuler… La Voix venait de se réveiller une nouvelle fois, mais à ma grande surprise, je parvins à hurler intérieurement pour qu’elle se taise et, elle le fit… Toutefois, cela m’avait donné une idée, étant donné que Félipé avait littéralement craqué sur ce type, je pouvais peut-être l’aider… Comment ? Là, était toute la question.
— Pas de R.U, ce soir, j’en ai marre de bouffer toujours la même chose, pas toi ?
C’est comme s’il lisait dans mes pensées… Le pauvre, s’il y arrivait, il n’y comprendrait sans doute rien, moi-même je n’en étais plus le seul maître…
— Si, je suis d’accord. Donc pourquoi on ne se ferait pas un truc tout simple, entre nous ?
— Ça marche, bon, je suis une catastrophe en cuisine, autant que tu le saches de suite, avant que tu me proposes de me mettre aux fourneaux…
— Pourtant je croyais que…
— Non, non, idée reçue numéro 1, les gays ne sont pas forcément des dieux de la cuisine…
— Merde, ben, j’suis déçu mon pote…Moi qui me disais que j’allais super bien manger.
Il était étonnant de voir qu’en une fraction de seconde, il avait vu où je voulais en venir pour aborder le sujet…
— Ben, ouais, désolé de te décevoir…
— Ça va, je vais m’en remettre, rassure-toi, mais je me disais que tu aurais pu marquer un point avec ce maître-nageur…
— Quoi ?
— C’est bon, tu me l’as dit que tu avais craqué sur lui…
— Non, absolument pas.
— Attends, tu ne sais même plus ce que tu as dit, t’étais dans un état second…
— Mais arrête ton délire…Bon, ok j’avoue, il ne me laisse pas indifférent…
— Ben, c’est cool, j’espère que ça donnera quelque chose…
— Ne rêve pas trop non plus, vu le physique qu’il a, il doit avoir l’embarra du choix dans un harem de nanas…
— Je ne parierai pas là-dessus…
Le mercredi suivant je n’avais pas cours l’après-midi, comme d’habitude en fait, je sentais que j’allais faire des pas aujourd’hui, à rechercher ce maître-nageur. Je suis passé dans un premier temps par la case piscine, bien entendu personne, ce fut été trop simple. Je me mis alors à déambuler pendant près de quatre heures dans toute la ville, malheureusement sans le croiser… je ne m’avouais pas vaincu pour autant, ce n’était que partie remise…je finirai bien à un moment ou un autre par le dénicher. Je ne dis rien à Félipé sur ma petite virée, ceci devait rester un secret, tant que je n’avais rien.
*
Les jours défilèrent, trois semaines aussi, nous étions déjà en décembre, la neige recouvrait une grande partie des Pyrénées, la saison de ski pourrait s’avérer sympa, du moins les weekends qu’on s’organisait avec Félipé et d’autres amis. Les cours se déroulaient plutôt bien, l’ambiance de la promo s’arrangeait aussi, après une première crise de clans…les tensions s’apaisaient, génial les classes à majorité féminine, mais heureusement qu’avec les 2 autres gars, on se serrait les coudes et on s’entendait bien.
Sur le plan extraterrestre quelques avancées tout de même, parfois je parvenais à calmer la Voix qui me hantait, je ne sais si l'énergie de Kaszénomélos s'atrophiait mais en tout cas, il était plus calme… Lors d’une conversation téléphonique avec Sovan, Torvin avait pu échanger ma place quelques minutes, malheureusement, toujours à cause de la perte énergétique, il ne réussit pas à rester longtemps. Leur conversation n’avait pas énormément fait avancer la situation ; l’on ne savait toujours pas pourquoi Torvin ne prenait pas définitivement ma place, quoique, la situation ne me déplaisait pas outre mesure dans l’état actuel, je voulais bien partager la moitié de ma vie avec Torvin, si la Voix se taisait à tout jamais…
Tout pourrait être beaucoup plus simple, lorsque je n'oyais plus Kaszénomélos, il m’arrivait à penser qu’une solution finale serait le mieux pour tout le monde. Il y aurait la tristesse, bien sûr, mais il n’y aurait plus de question à se poser. Mais bien entendu, dès que la Voix se faisait de nouveau présente, cette idée, disparaissait comme par enchantement…
Nous étions le 10 décembre, un mercredi… Je continuais mes investigations pour trouver ce fameux maître-nageur. Comme à mon habitude, je débutais par la piscine, me baladais en centre-ville… Mais comme d’habitude, rien… Quelle malédiction. Toutefois, une, non, à plusieurs reprises la Voix me susurra de repasser par la piscine avant de rentrer, je trouvais cela étrange, mais ce que Kaszé m’avait dit, me revint en mémoire. Alors je l’ai écouté, retournant sur mes pas. J’ai longé les grandes baies vitrées du bâtiment, et je le reconnus, il était là, à marcher le long du grand bain, d’une démarche lascive, il faut dire que pour un mercredi, il n’y avait pas grand monde à surveiller. Je décidais donc d’attendre que son service prenne fin, patience…
Au bout de trois quarts d’heure, je le vis se diriger vers la sortie, c’était maintenant ou jamais, je devais procéder à une filature, avoir deux endroits où le trouver, c’était toujours mieux… Et si Félipé devait "se prendre un vent" autant que ça ne soit pas en public.
Je le suivis, aussi discrètement que possible en gardant une distance de sécurité, que je fus obligé de réduire, par peur de le perdre dans la foule, qui semblait s’amasser aujourd’hui. Après quarante minutes de déambulations au travers de la ville et dans ses rues, de ses boutiques… Le bougre faisait de menues emplettes, il pénétra dans un bar, arborant un drapeau arc-en-ciel et répondant au nom français "bois de houx". Voilà qu’il allait se désaltérer, je n’étais pas rendu… Je m’assis sur un banc, regardant les gens qui passaient, tant qu’il y en avait… Au bout d’un quart d’heure, je perdis patience et rentra à mon tour… Juste une entrée/sortie, le maître-nageur avait un deuxième boulot…
Poudre d’escampette, direction la cité U et mon bâtiment C. A peine arrivé, je rejoignis Félipé dans sa studette. Sans m’annoncer ou dire « bonjour », je lui lançai à brûle pour poing « Prends une douche et retrouve-moi dans 15 minutes devant le R.U. ! », je ressortis, moi aussi j’avais besoin de me rafraîchir.
Le temps s’effilocha et nous nous retrouvâmes devant le resto, j’avais pris un peu de retard, mais il me le pardonnerait assez vite me persuadais-je, en découvrant ce qui l’attendait. Un sourire étira mes lèvres à cet instant. La manipulation a commencé, tu verras le plaisir que l’on peut en retirer. Ce sera un jeu d’enfant lorsque nous aurons besoin de lui ! Maudite Voix, j’aurai voulu lui hurler de se taire, de disparaître de ma vie, qu’en aucun cas, je ne voulais me servir de cet ami. Mais rien, je sentais ces pensées enfermée dans une partie de mon cerveau que je comprenais, n’appartenant qu’à moi.
— Où m’emmènes-tu ?
— Tu verras bien ? Tu n’aimes pas les surprises ? Répondis-je.
— De manière générale si, mais la manière dont tu as débarqué chez moi et qu'tu m’as commandé… Euh… Comment dire…Ben, ça n’augure rien de bon…
— Mouais… Mais tu t’es exécuté, non ?
Il ne trouva rien à redire, et nous gardâmes le silence jusqu’au point d’arrivée…
— Rentre là-dedans et va boire un coup.
— Non mais, t’es pas dingue ?
— Rentre, te dis-je.
Là encore il écouta, mais en poussant la porte, il me saisit pas le cou et me balança « J’y vais, mais toi, tu m’accompagnes », je n’eus pas le temps de protester, que nous en avions déjà franchi le seuil. Et l’on se dirigeait vers une table vide. Un coup d’œil expresse et le constat fut rapide, Il avait disparu. « Je vous envoie quelqu’un de suite », nous lança un barman derrière son comptoir. « Bon alors, maintenant que nous sommes ici, tout en sachant que j’ai une tonne de boulot à faire, je peux savoir ce qu’on fout ici ? ». Crise de panique, que devais-je lui répondre ? S’IL n’est pas là, ça voudrait dire que je me suis lourdement trompé. J’allais lui donner une version que mon cerveau était en train de monter de toute pièce, quand un barman débarqua pour prendre notre commande.
Ce dernier vint peut après, pas de chance, non plus… «Deux zombies, s’il vous plaît » lança Félipé avant de reprendre tandis que le serveur regardait sa montre, visiblement pressé :
— Maintenant qu’on est là, autant se faire plaisir, non ?
— Euh, oui, tout à fait… Par contre le mélange alcool et manque de sommeil et… Ben, je ne suis pas sûr que ça soit très bon…
Je réfléchissais aussi, depuis quand n’avais-je pas bu d’alcool ? La réponse m’inquiéta, depuis le Transfert, pas une seule goutte n’avait franchi le seuil de mes lèvres. Si j’en ingurgitais, qu’est-ce que cela pouvait avoir comme effet sur Torvin et Kaszénomélos ? De toute façon, je serai amené à un moment ou un autre à en ingérer… Autant commencer de suite.
— Bon alors, qu’est-ce qu’on fait ici ? J’ai vraiment l’impression de me répéter, mais je n’ai jamais de réponse…
— Je voulais me détendre, et passer un bon moment avec un pote… Je ne vois rien de mal à ça…
— Ben, primo pour te détendre, tu ne me fais pas speeder comme tu l’as fait, et deuxio pourquoi un bar gay ?
— Ah bon, c’est un bar homo ? Tu déconnes ? Je ne savais pas, fis-je en essayant de mettre une tonne d’innocence là-dedans…
— Mouais, comme si tu n’avais pas remarqué. Tu sais que je n’ai pas besoin d’aller dans ce genre d’endroit pour rencontrer quelqu’un… Ok, je suis célibataire, mais je suis bien tout seul pour le moment.
— Mais ce n’est absol…
J’entendis un "gloup" plutôt sonore émanant de la gorge de Félipé, « ça ? », je ne pus terminer ma question, car je découvris le coup de cœur de Félipé qui déposait notre commande…
— Vous auriez peut-être voulu un seul verre et deux pailles ? Xav’ n’avait rien noté…Il était pressé de terminer son service. » Expliqua le serveur.
Félipé, incapable de prononcer le moindre mot (nous n’allions pas aller loin), j’expliquai que nous n’étions pas ensemble, donc que c’était mieux ainsi. Il jeta un coup d’œil à Félipé qui était figé, un sourire aux commissures des lèvres, avant de s’éclipser…
— Attends ! Tu savais qu’il serait ici ? Me demanda-t-il.
— Ben, oui, c’est pour ça que je me suis dépêché tout à l’heure, je croyais qu’il n’était que client, mentis-je. Mais il faudrait que tu arrêtes de faire ta timorée…
— Quoi ?
— Ben déjà, t’enlèves ton sourire béat, tu agis normalement… On dirait que tu as 14 ans… Je ne sais pas, moi, t’es un mec, bon sang, agis comme quelqu’un de civilisé, parle-lui…
— J’l’invite à prendre un verre ?
— Honnêtement, ça ne sera pas simple, ça lui rappellera le boulot… Mais faut essayer.
Nous avons passé, 3 heures dans ce bar, et bu plus que de raison, à chaque fois le même serveur. Mon voisin de palier s’était détendu, mais il ne l'a pas invité… Il ou nous allions être obligés d’y retourner. De toute façon, je ne pouvais rien faire de plus, à part le pousser à agir. En tout cas, nous avions au moins appris indirectement son prénom, Mickaël.
L’alcool avait déjà commencé à agir dans le bar, mais lorsque je suis arrivé chez moi, je me sentis vraiment mal. La terre tournait sous mes pieds, des fossés se creusaient à chacun de mes pas. Allongé, j’avais l’impression d’être sur des montagnes russes, position insoutenable, se relever. Je sentais ce poison liquide s’infiltrer, circuler à travers tous les interstices de mon corps. Chaque endroit où il se diffusait, devenait zone sinistrée, irradiée, noyée sous le feu du venin en bouteille. Je continuais de détecter la présence de Torvin, mais la Voix, qui voulait s’exprimer, semblait comme muselée. Le poids qu’elle m’apportait, se faisait moins pesant au fur et à mesure que le temps s’écoulait. Impression étrange, soulagement sale. Envie de vomir, mais ce n’est pas moi qui tente d’évacuer, c’est la Voix… Kaszénomélos ne supportant d’être plongé dans un mutisme qu’il ne maitrisait pas. Je sentais les flots d’acide se déverser dans l’estomac, une crue intérieure, les vagues, tout se déchaîne… Les muscles se contractent par vague, spasmes, les cellules s’enflamment. Les acides s’explosent contre les parois de l’être, comme l’océan sur les écueils, ça me bouscule. Le cœur s’agite, s’arrête, redémarre, c’est un tambour battu au rythme d’une chevauchée qui me renverse.
Je dois tenir, serrer les dents, je ne dois pas purger mon corps. Retenir. Ne pas le laisser gagner, se battre, anéantir ses dernières résistances. Il faiblit, je le sens, je le sais.
Ne pas m’allonger, ce serait pire. Je le vois, je l’imagine, je le ressens s’agiter, tambouriner à toutes les portes de mon être, pour sortir, prendre mon contrôle. Non, tu n’y arriveras pas, je ne te laisserai pas gagner, sois-en certain. Je me suis sans doute montrer faible, me suis laissé abuser, mais je ne t’offrirai pas sciemment cette opportunité de nouveau… trouve autre chose.
Un écartèlement. C’est ce que je percevais en mon for intérieur. Tiraillé par Kaszénomélos d’un côté, Torvin et ma volonté propre de l’autre. La séparation, je l’espérais. Si l’alcool pouvait m’y aider, je dirai « oui », lèverai mon coude pour le chasser, l’expulser. Comme un rat qu’il fallait noyer, voilà comment je considérais à présent ce prince Querashtian.
Je savais qu’Il me le ferait payer quand Il se réveillera, si j’échouai dans ma quête de noyade.
Le vendredi suivant, nous retournâmes au bar, mais il ne travaillait pas ce jour-là. Le lendemain, nous remîmes ça, et la chance nous accompagna ; j’aimais le chiffre 13. Il y avait plus de monde, mais nous réussîmes à trouver une table et Mickaël vint prendre notre commande.
J’ai mis du temps pour me remettre, mais j’ai retrouvé de la force. Je n’ai pas beaucoup apprécié ton petit tour de l’autre jour. Tu as voulu me tester, c’était bien essayé. Mais je suis au regret de t’annoncer que je ne te laisserai pas faire !!!
Il s’était ragaillardi, un frisson glacé me parcourut l’échine et mon visage s’empourpra. Une idée. Trouver une idée. Je n’avais pas été assez vigilant, je pensais avoir gagné. C’eut été trop simple. Mon bras saisit le verre et descendis d’un trait. Il m’en fallait d’autre. Urgence. L’effet n’était pas assez rapide à mon goût, Il, pouvait apparaître à tout instant. Je comptais intérieurement les secondes qui s’écoulaient jusqu’à ce que je commence à ressentir les effets de l’alcool. Félipé me fit remarquer que je buvais vite, un peu trop ; que pouvais-je bien lui répondre ? Que c’était pour taire une voix intérieure ? J’imaginais déjà sa réponse et je trahissais le pacte, je n’en avais pas le droit. Au bout de 20 minutes, Mickaël nous rejoignit de lui-même pour nous proposer une autre tournée. Etait-ce pour nous revoir, ou faisait-il tout simplement son job ? Je ne l’avais pas vu se diriger vers les autres tables, ou alors étais-je trop plongé sur moi ?
En tout cas, Félipé se détendait peu à peu et arrivait à converser un tant soit peu avec son "son coup d’cœur". Ce dernier s’excusa et revint s’asseoir un instant avec nous, je voulais en profiter pour m’éclipser et les laisser seuls. Mais d’un regard, qui n’échappa à personne, mon voisin me fit comprendre que je devais rester à ma place. Je me mis à siroter mon verre.
— Bon alors les mecs, faut pas rester assis ici, faut bouger un peu votre "body", lança le Mickaël.
— Oui, en fait, on vient se détendre un peu, se poser tranquillement.
— Si je me souviens, vous n’êtes pas ensemble, mais si vous êtes assis vous ne rencontrerez personne.
— Pour ma part, je ne cherche pas, et pour Félipé, je crois qu’il a déjà repéré quel…qu’un… dis-je en recevant un coup de pied dans le tibia, de la part de mon voisin.
— Ah ? Répondit Mickaël, sur un ton désappointé.
— Dis-moi, je peux faire erreur, mais il me semble que je t’ai vu à la piscine…
— Oui, je bosse là-bas aussi, je suis maître-nageur.
— Tu cumules deux boulots ? Demanda Félipé.
— Hé oui, un peu obligé si je veux payer les factures à la fin du mois. Mais j’aime autant la piscine que ce bar. Donc je le fais avec plaisir. Bon, je vais devoir vous laisser, à plus tard les mecs.
Là, d’un coup sans prévenir, alors que Mickaël rejoignait le comptoir, mon voisin se jeta à sa suite. Je n’entendis pas ce qui se dit, mais un échange de sourire plus tard, il reparut, tout guilleret.
— Mercredi prochain on mange ensemble.
— Mais c’est génial ça, vous allez pouvoir parler et qui sait….
— Ah non, tu seras là aussi…
Ma main heurta plus fort que prévu, mon front. Comment lui dire qu’il était abruti, de manière plus "politiquement correcte", qu’il serait mieux qu’il y aille seul. Je me tus une fois encore, je trouverais un moyen de ne pas y aller.
Comme il sembla vouloir rester encore un peu, nous recommandâmes une tournée… je sentais peu à peu les effets venir… la muselière liquide se reformait. Je voyais, imaginais, le visage du prince Kaszénomélos (car bien que son essence soit en moi, je ne connaissais pas ses traits). Je percevais ensuite des gouttelettes s'organiser en longues lignées colorées se combiner, s’entrechoquer, se mêler, se lier en une chorégraphie enchanteresse. Telles des bandages de momies, les "cordes" liquides enserraient le prince, le ligotant, formant une gangue autour de sa bouche, de son crâne. J’aimerai que ce fourreau devienne étau et que sa tête explose pour qu’il disparaisse à jamais.
J’avais trouvé un moyen d’être un peu plus libre, j’espère simplement que ça durera, qu’il ne s’y habituera pas…
Bonjour,
RépondreSupprimerVoici mon avis sur votre blog et vos textes.
Laissez-moi juste vous dire que vous feriez mieux de fermer cette fenêtre sur ce que vous faites. Ce serait là vous rendre service. Vous et d'autres, depuis l'invention des blogs, vous sentez obligé d'exposer vos écrits, j'irai même jusqu'à dire vos torchons. Je n'ai jamais lu de choses aussi naïves, nulles… un tel ramassis de conneries à la ligne.
Si vous aimez réellement écrire, faites-le, mais par pitié gardez vos « œuvres » pour vous. Si vos amis aiment ce que vous produisez, alors changez d'entourage !!
Je suis un lecteur de ce blog et moi laissez-moi vous dire que vous pouvez dégager de ce blog ! en plus vous vous permettez de poster un commentaire en anonyme !!! mais quelle lâcheté ! vous n'avez même pas l'honnêteté de le faire à visage découvert, je trouve ça triste de votre part. Les textes sur ce blog ne sont pas un ramassis de torchons ou de choses naïves et nulles ! c'est votre commentaire le torchon, naïf et nul ! Si vous aimez commenter, faites-le, mqais par pitié gardez vos "coms" piur vous. Si vos amis aiment ce que vous déblatérez, alors restez dans votre entourage, mais n'ennuyez pas ceux qui s'adonnent à leur passion !!! mais où va le monde ! vous n'êtes pas content(e) ?!? et bien fermez votre ordi, on s'en portera certainement mieux !
Supprimer